Édition 37

Start-up et RH

Comment engager des talents quand on dirige une start-up? Qu’en est-il de la rémunération? Et surtout, comment organiser les ressources humaines dans les phases successives de la vie d’une start-up?


Chaque recrutement par une start-up doit être un coup dans le mille. — Hans Arnold, Executive Director d’EYHans Arnold, Executive Director d’EY

Dans la phase de création, une start-up est surtout portée par l’enthousiasme des fondateurs. Une mentalité caractérisée par l’idée que tout le monde œuvre pour un objectif ambitieux. Chacun peut développer ses talents selon ses propres conceptions, tant que tous les regards sont tournés dans la même direction. "Il est difficile d’appliquer le modèle organisationnel traditionnel dans une telle entreprise", prévient Hans Arnold (EY). "Il faut éviter de figer dans des procédures trop contraignantes la manière dont les collaborateurs travaillent à l’objectif commun."

Idéalement, dans cette phase initiale, le recrutement s’opérera presque naturellement. "Chaque euro investi par une start-up doit quasiment produire deux euros de retour sur investissement, sans quoi il y a un problème", poursuit Hans Arnold. Les canaux traditionnels comme les agences de recrutement et les offres d’emploi sont souvent trop coûteux. En outre, ils n’atteignent pas toujours le public adéquat. "Si le concept est suffisamment sexy pour donner naissance à une start-up, les collaborateurs potentiels se présenteront d’eux-mêmes", assure Hans Arnold. L’employer branding constitue ici le sésame absolu. Avec chaque euro que vous investissez, vous touchez à la fois des clients et des collaborateurs potentiels.

Voyez Marbles, une agence de communication numérique débutante. Elle a fait récemment la une des journaux en accordant à ses collaborateurs des vacances illimitées. L’exemple parfait d’un employer branding réussi. Le message, totalement conforme à son ADN, est passé: avant cette opération, les fondateurs n’avaient reçu qu’une candidature spontanée; aujourd’hui, ils en sont à plus de quinze.

Une autre voie consiste à recruter des profils issus de mêmes centres de connaissance. Les opérations de networking pour start-up constituent également un excellent vivier de collaborateurs. C’est aussi une question de génération: la plupart des starters sont jeunes. Les millennials, ceux qui ont grandi avec l’internet, apprécient énormément la flexibilité qui accompagne un job dans une start-up. "Ce n’est pas le genre de personne qui épluchera les pages d’offres d’emploi", indique Hans Arnold. "Si un millennial est intéressé par un concept attrayant, il prendra contact spontanément avec l’entreprise."

Expérience externe

À un certain stade de l’existence d’une start-up, le groupe originel ne possède plus toutes les compétences nécessaires pour en accélérer la croissance. Il faut alors trouver de l’expérience à l’extérieur de la start-up. Un exercice difficile… "Le talent expérimenté a souvent des exigences plus traditionnelles", reconnaît Hans Arnold. "Il veut lire une offre d’emploi ou être en contact avec un chasseur de têtes." Dans ce cadre, il est donc nécessaire d’investir dans les canaux traditionnels. Actiris, le Forem et les centres de reclassement, par ailleurs, sont des endroits parfaits pour trouver des talents qui souhaitent sortir du carcan des entreprises traditionnelles.

"Chaque recrutement par une start-up doit être un coup dans le mille", résume Hans Arnold. Si une grande entreprise se trompe sur une personne, ce n’est pas une catastrophe; à l’inverse, un mauvais recrutement dans une équipe de vingt collaborateurs peut avoir des conséquences désastreuses.

Ceux qui recrutent des compétences en dehors de l’entreprise doivent y prêter une attention particulière. L’embauche du premier manager externe peut être un point de rupture dans la vie d’une start-up. Si la stratégie, l’approche ou la proposition unique de vente ne correspond pas parfaitement à la nouvelle recrue, vous avez un problème. De nombreuses start-up rencontrent des difficultés en la matière.

La plupart des personnes expérimentées qui partent travailler dans une start-up font délibérément un pas de côté: elles ne veulent plus évoluer dans une entreprise traditionnelle et sont à la recherche d’un défi différent. Dans une première phase, les managers externes devront forcément renoncer à une partie de leur salaire en échange de cette expérience plus intense et d’un avenir éventuellement intéressant. "Si cela provoque un point de rupture dans les négociations, je ne poursuivrais alors pas le discussion", précise Hans Arnold. "Car vous savez immédiatement que le travailleur potentiel ne correspond pas à l’ADN de votre start-up."

Collaborer

Hans Arnold voit souvent les start-up partager leurs connaissances. "Il est assez aisé de partager des fonctions de support comme les finances et les ressources humaines", ajoute-t-il. "Nous voyons également des start-up s’adresser à nous pour obtenir des conseils. Cela constitue peut-être une alternative à un profil externe dont l’embauche serait plus lourde et plus chère."

Dès que la personne externe est engagée, toutes les pièces du puzzle doivent se mettre en place rapidement. "Comme les jeunes starters incarnent l’ADN de leur entreprise, c’est le travailleur externe qui doit s’adapter", poursuit l’Executive Director d’EY.

Travailler pour une start-up: avantages et inconvénients

  1. 1 Polyvalence de la fonction
  2. 2 Possible croissance des responsabilités et de la rémunération à long terme
  3. 3 Influence accrue sur le succès de l’entreprise
  4. 4 Plus grande proximité de tous les aspects de la gestion de l’entreprise
  5. 5 Plus grande implication dans l’entreprise
  1. 1 Sécurité amoindrie
  2. 2 Salaires inférieurs à court terme
  3. 3 Pas de sécurité d’emploi
  4. 4 Pas de certitude sur le contenu futur de la fonction
  5. 5 Oblige souvent à sortir de sa zone de confort

Employer branding par excellence

Lors d’une visite au centre aéronautique de la NASA en 1961, John F. Kennedy voit une personne nettoyer le sol. Il s’approche et lui demande: "Que faites-vous?""Eh bien, Monsieur le Président, j’aide à ce qu’un homme marche sur la Lune."

Quelles sont les priorités d’une start-up?

  1. 1 Le caractère commercialisable de son produit
  2. 2 L’équipe
  3. 3 Le financement

Flexibilité et extensibilité

L’idéal de flexibilité est-il tenable en cas de croissance rapide? "La start-up doit faire preuve de souplesse dans ses ressources humaines, tout en organisant ses premiers recrutements comme si elle employait cent personnes", répond Hans Arnold. "Si vous ne travaillez pas de manière structurée et que vous accordez un package complètement différent à vos dix premiers collaborateurs, vos ressources humaines se transformeront en un dédale inextricable dans une phase ultérieure de votre croissance. Établissez les principes de votre politique RH dès le départ et harmoniser-les avec la flexibilité et l’innovation de votre ADN de starter.

À partir de combien de travailleurs une start-up doit-elle mener une politique RH traditionnelle? Une question souvent posée et à laquelle il n’existe pas de réponse. "Google et consorts fonctionnent toujours sans politique traditionnelle", sourit Hans Arnold, "Cela ne signifie toutefois pas que chaque start-up puisse faire de même." Il est important que les propriétaires veillent au grain, car il faut entretenir autant que possible l’enthousiasme des premiers jours. Ceci dit, dès que les témoins d’alerte s’allument sur le tableau de bord du conseil d’administration, il faut poser des jalons. "Le départ de collaborateurs parce qu’ils ne parviennent pas à s’identifier à la culture et à l’ADN de l’entreprise est un signal d’alarme important", affirme Hans Arnold.

Car c’est précisément la culture d’entreprise qui doit apporter la plus-value en vertu de laquelle les travailleurs sont prêts à renoncer à une partie de leur salaire. Si des problèmes surgissent dans ce domaine, vous devez intervenir en insistant un peu plus sur votre ADN dans les comportements et les procédures, voire en organisant des événements.

Nombre de salariés par start-up

1 - 10
82%
11 - 50
16%
51 - 100
<1%
101 - 1000
<1%
1001+
<1%

Source: startups.be

Profiter des bénéfices

Comment une start-up peut-elle faire profiter ses talents de ses bénéfices? La participation aux bénéfices par des plans d’options sur actions et/ou des warrants pour les salariés est un thème récurrent. Malheureusement, la législation belge n’est pas adaptée aux start-up. Au contraire: la loi sur les plans d’options sur actions du 26 mars 1999 a été avant tout pensée pour les multinationales. En outre, la mise en œuvre d’un tel plan est un exercice administrativement très lourd pour les start-up. Par conséquent, les frais ne justifient pas les avantages pour le collaborateur.

Il existe heureusement d’autres solutions. Une participation indirecte, notamment. Il est possible de faire dépendre des résultats de l’organisation le calcul de l’avantage qui revient au collaborateur. On trouve des outils intéressants pour le paiement de cet avantage, qui n’ont aucun lien avec la valeur des actions de l’entreprise elle-même. Par exemple en remerciant les collaborateurs pour les bonnes performances de la start-up avec des options sur actions ou des plans de warrants dont la valeur sous-jacente se compose d’actions d’autres entreprises. Les travailleurs sont ainsi récompensés pour les performances de leur entreprise à des conditions relativement attrayantes.

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Hans Arnold
Executive Director d’EY