Les patrons belges ont définitivement adopté la robotisation et la numérisation. Avec des embauches supplémentaires, des modèles opérationnels alternatifs, un accent placé sur l’intelligence artificielle (IA) et des partenariats judicieux, ils sont montés dans le train du numérique, convaincus qu’une transformation réussie apportera un surcroît de croissance à leur entreprise. C’est la bonne nouvelle du Baromètre EY de la croissance. Selon les experts d’EY, les entreprises n’avaient d’ailleurs pas vraiment le choix.
Plus d’un entrepreneur belge sur quatre pronostique une croissance de 10% pour cette année, malgré le taux de 1,9% prévu par le Fonds monétaire international (FMI) pour notre pays. Ils anticipent surtout une croissance organique.
Un quart d’entre eux mise sur le marché intérieur, un cinquième anticipe la croissance en provenance de l’étranger ou d’un autre secteur. "Les entrepreneurs belges doivent se montrer ambitieux, ils n’ont pas le choix", souligne Marie-Laure Moreau, Regional Managing Partner Wallonie chez EY Belgique.
Prévisions pour 2017 et 2018, classées d’une croissance négative à une croissance de plus de 50%
"Globalisation, régulation accrue, Internet des Objets… Les entreprises doivent relever simultanément un nombre sans précédent de défis. Pour survivre, il est également primordial de continuer à enregistrer une croissance durable et rentable."
"Les starters et entreprises de croissance de taille moyenne possèdent la flexibilité nécessaire mais manquent souvent de capitaux. Du côté des grandes entreprises, c’est l’inverse. Pourtant, elles sont soumises aux mêmes conditions de marché."
‘La survie du plus apte … et du plus rapide’
"La ‘survie du plus apte’, le grand principe de la sélection naturelle, est et reste toujours d’application, mais il convient de lui ajouter une dimension supplémentaire: ‘et du plus rapide’. La Belgique est un petit pays. Ceux qui ne s’ouvrent pas au monde sont rapidement submergés."
"Nous devons définitivement abandonner notre esprit de clocher. Les dirigeants d’entreprise doivent miser sur l’IA, la diversité et la flexibilité chez les collaborateurs, l’intrapreneuriat et les partenariats stratégiques."
Pour faire face à ces défis tout en poursuivant leur croissance, Marie-Laure Moreau invite les entreprises à se référer aux sept moteurs de la croissance d’EY et au programme Boost your Growth, qu’elle a mis en place et qui est destiné aux entreprises qui ont la volonté de croître. "Les entreprises qui réussissent sont des leaders dans leur segment; elles créent ainsi de la valeur et génèrent de la croissance. Elles parviennent à piloter simultanément et à maintenir en équilibre ces sept moteurs de la croissance, aujourd’hui comme dans le futur. Cela leur permet d’éviter les problèmes de croissance typiques et d’investir au maximum dans la croissance. Un seul déséquilibre, par exemple dans la politique du personnel ou l’informatique, peut mettre un frein à la croissance visée."
"Ainsi les entreprises belges éprouvent-elles des difficultés à trouver des collaborateurs dotés des compétences adéquates, et surtout à les conserver. Or, la menace d’une fuite des cerveaux est bel et bien présente."
En outre, si notre pays offre suffisamment de possibilités de lancer une entreprise, les starters se retrouvent fréquemment en difficulté dans la phase suivante. Les scale-up consomment beaucoup de liquidités, alors que l’actionnaire souhaite un dividende… C’est souvent à ce niveau que le bât blesse.
Marie-Laure Moreau préfère néanmoins voir le verre à moitié rempli: "Les conditions de marché actuelles constituent le meilleur moment pour entreprendre. Nous pourrions avoir un esprit un peu plus méritocratique. Quand on est fast & fit, il n’y a pas de honte à exceller! Plaçons la barre plus haut et nous générerons automatiquement davantage de croissance."
Le baromètre de la croissance montre que les dirigeants d’entreprise belges sont prêts à investir dans des stratégies innovantes et de nouveaux modèles opérationnels. Ils sont 84% à affirmer vouloir faire appel à l’IA dans les deux ans et presque tous envisagent de le faire dans un délai de cinq ans. Un quart d’entre eux veut en outre réveiller l’esprit d’entreprise chez leurs collaborateurs.
"Ces stratégies innovantes sont en contraste total avec l’approche traditionnellement très conservatrice des entreprises belges", réagit Wouter Desmet, Chief Innovation Officer chez EY Belgique. "Heureusement, nous constatons que les entreprises établies ont de plus en plus tendance à stimuler l’entrepreneuriat dans leurs propres rangs."
"Cet intrapreneuriat leur apportera les idées fraîches et les modèles opérationnels innovants grâce auxquels elles prendront la concurrence de vitesse."
"Il est important d’inscrire ce bouleversement culturel dans la stratégie d’entreprise afin qu’il puisse engendrer une transformation complète dans toutes les branches de l’entreprise et ne se réduise pas à des ‘bricolages’ à la marge. Ce bouleversement demande évidemment du temps et doit provenir de la base."
‘Cet intrapreneuriat apporte les idées fraîches et les modèles opérationnels innovants grâce auxquels on prend la concurrence de vitesse’.
On commencera de préférence avec un pilote, par exemple dans un seul département. Ce local hero générera des early adopters qui convaincront à leur tour des suiveurs. En clair, ce processus se développe par vagues successives.
"Dans un tel modèle de croissance virale, il est crucial de ne pas sanctionner les inévitables échecs. Il est permis d’échouer!"
Les chances de survie des start-up sont maigres. Un partenariat avec un starter de ce type est risqué. Souvent, il est plus sûr de s’engager avec une scale-up. Aucun événement pour de telles entreprises de croissance n’existait encore dans notre pays. EY est l’un des partenaires de SuperNova qui rassemblera la crème des entreprises technologiques belges et européennes et les orateurs les plus talentueux d’entreprises de croissance internationales.
Durant cet événement dont la première édition aura lieu du 27 au 30 septembre à l’Eilandje à Anvers, des candidats investisseurs du monde entier pourront découvrir et apprendre à connaître les plus belles entreprises européennes tandis que le grand public aura quant à lui l’occasion de se familiariser avec les dernières innovations technologiques.
Le concepteur de logiciels anversois Unifly a développé une plateforme qui permet aux contrôleurs du ciel d’intégrer le trafic de drones dans leur gestion quotidienne de l’espace aérien.
‘Nous avons fondé Unifly avec l’ambition de devenir le leader mondial’.
"Nous avons débuté en août 2015, avec l’ambition affirmée de devenir leader mondial – pour s’envoler, il faut regarder vers le haut!", s’enthousiasme son CEO, Marc Kegelaers. "Notre grand défi à ce moment était le financement. Une première levée de fonds nous a rapporté 6,2 millions d’euros en 2016. À l’automne, nous entendons récolter 20 millions d’euros."
"Nous comptons pour cela sur des investisseurs en capital-risque dotés d’une vision. Nous ne pouvons fournir de business plan détaillé. Qui peut dire à quoi ressemblera l’univers des drones dans quelques années?"
Bien entendu, nous disposons de chiffres. Nous prévoyons de passer de 29 à 285 travailleurs dans les cinq prochaines années et d’ouvrir des bureaux dans le monde entier. Ceci étant, nous sommes étonnés de constater que la presque totalité du capital-risque provient de l’étranger.
En Belgique, rares sont ceux qui osent prendre des risques. Pour investir, et encore plus pour entreprendre.
"Heureusement, nous disposons d’un enseignement de qualité. Le recrutement de collaborateurs compétents ne pose donc pas de problème. Unifly peut se montrer très sélectif. Le secteur aérien attire et, chez nous, vous êtes certain de faire carrière."
"De manière générale, nous devons œuvrer à un changement de mentalité. On apprend aux Belges à être modestes. Nous devons sortir de ce carcan et oser voir les choses en grand."
Près d’un tiers des chefs d’entreprise belges s’inquiètent de la croissance, en particulier de la croissance mondiale plutôt atone. Comme dans le reste du monde, les cash-flows insuffisants demeurent le principal défi interne. Les entreprises de croissance ont particulièrement besoin d’argent pour investir dans la numérisation, la globalisation, la collaboration avec des partenaires, la maîtrise des risques et le rendement pour les actionnaires.
"Cela peut sembler contradictoire, mais c’est souvent une croissance trop rapide qui cause la perte des jeunes entreprises", note Els Degroote, Associée M&A chez EY Belgique. "La raison de ces échecs ? Un manque de préparation."
"Emprunter de l’argent ne peut être une mauvaise chose, au contraire. Mais elles doivent veiller à préserver l’équilibre entre les besoins de financement à court terme et les investissements à long terme. Pour y parvenir, elles doivent élaborer un business plan avec plusieurs scénarios et un plan de financement."
"Lorsque vous frappez à la porte d’une banque, parlez la langue du banquier. Et passez le voir avant d’être au bord du gouffre. Peut-être existe-t-il d’autres options, d’ailleurs. Par exemple, demander un acompte à un client important en échange d’une réduction."
‘Une croissance trop rapide mène souvent les jeunes entreprises à leur perte’
"Adaptez votre discours à votre client. Le capital-risque peut être une solution, mais vous devrez tirer sur la même corde que vos partenaires. Et ceux-ci devront vous apporter davantage que des liquidités: un réseau étendu, de nouveaux clients, etc. De toute manière, il est toujours important d’être bien préparé et ouvert aux opportunités qui se présentent."
Les entreprises de croissance doivent non seulement augmenter leur cash-flow, mais aussi leur personnel. Six dirigeants d’entreprise belges sur dix comptent embaucher cette année. Pas uniquement des collaborateurs à plein temps, mais aussi des temps partiels et des free-lance. Ils anticipent ainsi l’évolution des attentes des millennials et la transition vers une gig economy, où l’on ne travaille plus dans le cadre d’un contrat fixe mais de contrats à court terme ou de missions définies.
Dean Davey est spécialiste des ressources humaines et Executive Director chez EY Belgique. Il constate que la plupart des CEO de grandes entreprises belges sont parfaitement conscients de la nécessité de monter dans le train de la numérisation, mais qu’ils hésitent à franchir le pas.
"Heureusement, la Belgique est un pays de PME. Les petites et moyennes entreprises se montrent beaucoup plus innovantes à la fois dans la numérisation et dans leur politique de personnel. Les grandes entreprises doivent les hisser à bord pour implémenter de nouvelles technologies. Dans tous les services, pas uniquement l’informatique."
De manière générale, nous pourrions nous montrer plus créatifs en Belgique. Dean Davey en est convaincu: nous devons oser nous attaquer aux problèmes à la racine. "L’enseignement belge est très traditionnel. C’est fantastique d’inculquer des valeurs comme le respect à nos enfants, mais on pourrait porter une plus grande attention à la créativité. Heureusement, les dirigeants politiques commencent à en prendre conscience. Si nous innovons davantage, nous pourrons conserver les jeunes talents."
"Il en va de même pour la diversité. Nous devons abandonner notre manière de travailler traditionnelle, top-down. Elle ne correspond plus du tout à l’époque que nous vivons. L’heure est à l’égalité entre les générations, les sexes, les origines… Les millennials exigent une culture du travail cool."
"Donnez-leur de l’autonomie, laissez-les arriver au bureau à 11 heures ou aller chercher leurs enfants à 16 heures si nécessaire. L’avantage de la technologie, c’est que vous pouvez vous connecter au réseau depuis votre domicile à toute heure de la journée."